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Juil 22

2021

COVID-19 et droits numériques : un recueil d’histoires de surveillance de la santé en Afrique

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Juil 22

2021

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COVID-19 et droits numériques : un recueil d’histoires de surveillance de la santé en Afrique

Table of Contents

Publié par

Paradigm Initiative

Supported by

The Open Society Initiative for West Africa

Editors

‘Gbenga Sesan, Executive Director, Paradigm Initiative.
Thobekile Matimbe, Community Manager, Paradigm Initiative.

Conception et mise en page

Kenneth Oyeniyi, Communications Assistant, Paradigm Initiative.

la COVID-19 et la nécessité d’une réglementation sur la protection et la protection des données en Zambie

Compilé par Bulanda Nkhowani

La Zambie a enregistré ses deux premiers cas de COVID-19 en Mars 2020 et a été l’un des rares pays de la région à garder partiellement ses frontières ouvertes. Alors que la plupart des pays se sont battus pour trouver des moyens de comprendre, d’atténuer et d’arrêter la propagation du nouveau coronavirus, les professionnels de la santé zambiens ont rapidement adopté une méthode éprouvée pour se préparer, surveiller et réagir à la menace imminente. Le ministère de la Santé (ministère de la Santé), par l’entremise du Zambia National Public Health Institute (ZNPHI), a mis en œuvre une approche multisectorielle d’intervention d’urgence pour lutter contre la COVID-19, une approche qui avait déjà été utilisée pour lutter contre les épidémies de choléra récurrentes dans le pays. Il s’agissait d’activer le Centre national des opérations d’urgence en santé publique (PHEOC) situé au ZNPHI et d’utiliser une approche multisectorielle du Système de gestion des incidents (SGI), complétée par un centre d’appels spécialisé pour coordonner les efforts.

« Tout a commencé par un léger chatouillement dans ma gorge au retour d’un voyage d’affaires dans un pays voisin. À l’époque, la COVID-19 venait de toucher la Zambie et il y avait une panique générale partout au pays. J’ai téléphoné au numéro sans frais où la personne du centre d’appels s’est renseignée au sujet de mes symptômes. Ils ont également noté mes noms, mon numéro de téléphone, mon adresse physique, ma profession, mes proches et des informations sur l’endroit où j’étais physiquement allé ces derniers jours ainsi que sur les personnes avec qui j’avais interagi. La personne semblait taper et saisir mes réponses à l’autre bout, elles ont fini par promettre que je recevrais de l’aide d’une équipe d’intervention qui avait été dépêchée pour m’aider et que je resterais chez moi. J’ai été très chanceux d’avoir contracté le virus à un moment où les équipes d’intervention répondaient très rapidement. En un rien de temps, ils sont arrivés dans mes locaux. Malheureusement, j’ai obtenu un résultat positif au test de dépistage du virus, même si je ne présentais pas de symptômes graves, j’ai été admis dans la salle d’isolement pour la COVID-19 », a déclaré M. Mutale, l’un des premiers survivants de la COVID-19.

Le cas de Tamara, quant à lui, était différent : « Après avoir éprouvé une forte fièvre et une toux sèche, j’ai visité l’établissement de santé le plus proche pour faire un test de dépistage de la COVID-19. Mes soupçons étaient bons, j’ai été testé positif au virus. On m’a conduit à une pièce où un professionnel de la santé a manuellement consigné mes renseignements personnels d’identification et ceux qui seraient utilisés pour retracer les personnes avec lesquelles j’avais été en contact. J’ai beaucoup lu sur les droits relatifs aux données, alors naturellement, je m’inquiétais de la façon dont mes renseignements seraient stockés, utilisés et pendant combien de temps ils seraient conservés, puisque le professionnel de la santé les saisissait maintenant sur un papier qui pourrait facilement être perdu. De plus, mon consentement n’a pas été demandé lors de l’acquisition de ces données, mais lorsque j’ai demandé à quoi elles serviraient, on m’a assuré qu’elles étaient sécuritaires et qu’elles ne seraient utilisées qu’à des fins de suivi des contacts et de production de rapports.

On m’a ensuite conseillé de m’isoler chez moi pendant 14 jours. À l’époque, j’ai reçu des appels de mon gestionnaire de cas pour savoir comment j’allais tous les jours jusqu’à la fin de ma période de quarantaine. Je ne suis pas certaine de ce qu’il est advenu de mes renseignements personnels », a-t-elle dit.

La Zambie, comme de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, utilise une approche de dépistage des contacts principalement manuelle, aidée légèrement par les téléphones mobiles et les ordinateurs, pour surveiller, localiser et contacter les patients actuels et potentiels de la COVID-19. Bien qu’il n’existe aucune application de dépistage des contacts, toutes les données pertinentes sur la COVID-19 sont saisies dans une base de données nationale sur la santé publique, ce qui soulève des préoccupations quant à la sûreté et à la sécurité des données personnelles sur la santé qui sont saisies, en particulier pour les urgences en santé publique. D’autres systèmes et réseaux existent, par exemple un réseau qui sert de centre de communication pour tous les agents sur le terrain participant à la lutte de première ligne contre la COVID-19.

Au milieu de cette collecte de données et de l’incertitude sur le personnel et les protocoles impliqués dans l’accès à la base de données ou aux principes régissant le partage de données ou la participation de tiers à l’élaboration, à l’approvisionnement et à la gestion de la base de données, La Zambie continue de manquer de lois sur la protection des données et de la vie privée. De même, en 2017, la Zambie a déployé un système de e-santé pour fournir des solutions de santé numériques, soulevant de nouvelles questions sur la capacité des responsables du traitement des données de santé publique à respecter la protection des données et l’éthique de la vie privée.

Il est clair que les données sont essentielles pour résoudre les menaces actuelles et futures pour la santé publique. La nécessité urgente de mettre en œuvre une réglementation sur la protection des données et de la vie privée, qui protège les données personnelles et la vie privée des citoyens comme Mutale et Tamara, est également plus évidente. Ce besoin comprend des cadres qui supervisent la mise en œuvre des politiques sur les pratiques exemplaires en matière de saisie, de stockage, de gestion, de transfert ou de conservation des données sur les systèmes d’information. De plus, il est fortement nécessaire de renforcer les capacités des professionnels de la santé et les obligations des tiers en matière de traitement des données sensibles. La sensibilisation des citoyens est également essentielle pour s’assurer que les politiques et les protocoles appropriés sont mis en œuvre et que les droits des individus ne sont pas violés.

Dépistage Des Contacts – Numériques Liés À La Covid-19 : Leçons Tirées De L’expérience Nigériane

Compilé par Adeboye Adegoke, avec le soutien de Temitope Opeloyeru

Une grande partie de notre vie tourne maintenant autour de l’utilisation de la technologie, ce qui rend notre travail plus facile et plus rapide, mais la technologie ne remplace jamais la qualité du travail requis dans son application.

Dans le sillage de la pandémie de COVID-19, le monde s’est tourné vers la technologie pour trouver des solutions alors que différents intervenants travaillaient à endiguer la pandémie, à protéger des vies et à relancer l’économie mondiale. Alors que le virus se propageait rapidement en 2020 sans traitement antiviral ou vaccin efficace, le monde s’est concentré sur la gestion de la pandémie par confinement. Il est donc compréhensible que la technologie ait été jugée utile pour faciliter la stratégie de confinement en cas de pandémie. Google et Apple, deux des plus grandes entreprises technologiques du monde, ont annoncé un partenariat sur la technologie de dépistage des contacts dans le cadre de la COVID-19 et se sont empressés d’assurer la protection de la vie privée dans leur déploiement proposé, affirmant que la confidentialité et la sécurité des utilisateurs sont au cœur de la conception. Il existe des preuves documentées de la protection de la vie privée dans l’adoption de demandes de recherche de contacts par les gouvernements européens pour gérer la COVID-19. Ces efforts ont peut-être contribué à l’aplatissement éventuel de leurs courbes d’incidence, malgré les difficultés liées à une faible adoption et aux préoccupations relatives à la protection de la vie privée et à la sécurité.

Au Nigeria, comme dans de nombreux pays africains, le gouvernement a annoncé des mesures de confinement, a proposé l’utilisation de données mobiles pour la surveillance de la COVID-19, a introduit une nouvelle législation, et plus encore. On a notamment entendu parler du développement d’applications de recherche de contacts numériques par des acteurs étatiques et non étatiques. Ce sont des mesures qui ont des répercussions claires sur les droits numériques, particulièrement le droit à la vie privée. Afin de comprendre la mesure dans laquelle les mesures de suivi des contacts ont été déployées par le gouvernement nigérian, j’ai mené une enquête pour fournir un aperçu dont nous avons grandement besoin. Le présent article est axé sur les récits d’informateurs clés qui sont des professionnels de la santé ou des survivants de la COVID-19 à Abuja, au Nigéria.
Le Dr Olajumoke Precious travaille pour le Nigeria Center for Disease Control (NCDC) à Abuja. Elle n’a jamais été testée positive au virus, mais elle interagit avec les patients. Sa description de la mesure de suivi des contacts utilisée par NCDC est entièrement manuelle. Elle reconnaît que la recherche des contacts est faite à des fins de surveillance, ce qui implique l’identification, l’inscription et le suivi de certaines personnes qui peuvent avoir été en contact ou à proximité immédiate de la personne infectée. Selon elle :

Pour ce faire, nous interrogeons les activités du cas, ou les activités et les rôles des personnes qui l’entourent, depuis l’apparition des symptômes. Nous recherchons également des endroits visités entre 2 et 14 jours avant l’apparition des symptômes. Nous extrayons les coordonnées comme l’endroit où la personne vit, les gens autour d’elle, la famille du transporteur et, dans les cas où la personne est décédée, nous visitons les établissements de santé où la personne décédée a été admise avant son décès.»

Du point de vue des survivants, Joseph Nikoro, un négociant et agriculteur à niveaux multiples, a fourni les numéros de téléphone des personnes avec lesquelles il s’est souvenu qu’il était entré en contact, aux responsables de la santé, et ils lui ont dit de les appeler pour leur demander s’ils étaient entrés en contact avec d’autres personnes. Les données disponibles montrent clairement que la technologie a à peine été utilisée dans toutes ces mesures, malgré le battage autour de l’efficacité des mesures de dépistage des contacts, y compris les méthodes de dépistage des contacts numériques, et la preuve que de telles applications ont été introduites au Nigeria.

En regardant le paysage des droits numériques au Nigeria, il est inquiétant de voir l’application d’une technologie de traçage numérique similaire lors de manifestations telles que la manifestation #EndSARS d’octobre 2020. Alors que le gouvernement nigérian lutte pour démontrer l’efficacité de l’application de la technologie pour lutter contre la criminalité, le terrorisme ou endiguer la vague d’une pandémie qui représente une menace existentielle pour l’humanité… qui sont les raisons généralement déclarées pour acheter ces technologies – il n’a jamais manqué d’appliquer ces technologies dans le ciblage des défenseurs des droits de l’homme, les critiques et les manifestants. L’incapacité du gouvernement nigérian à retracer les bandits et les terroristes, qui sont à l’épicentre des défis sécuritaires du pays, reste un mystère malgré d’énormes investissements dans les technologies de surveillance. La somme de 9 milliards de nairas (22,8 millions de dollars américains) a été budgétisée en 2020 pour les activités et l’équipement liés à la surveillance.

La rapidité avec laquelle les critiques et les manifestants du gouvernement sont retracés et arrêtés donne une indication claire du danger de donner à un gouvernement qui a l’habitude de réprimer les voix dissidentes un pouvoir plus intrusif pour poursuivre des objectifs sinistres. Ces technologies servent à peine à des fins légitimes autres que l’intimidation et le harcèlement des personnes qui ont des opinions dissidentes. Eromosele Adene fait toujours l’objet d’un procès après avoir été traqué, arrêté et inculpé pour son implication dans les manifestations #EndSARS. Salihu Tanko Yakasai a été traqué, arrêté et renvoyé pour avoir critiqué la façon dont le Président a traité les questions de sécurité dans le pays dans une série de tweets, dans lesquels il a demandé au Président de démissionner.

La technologie n’est pas une baguette magique et est plus susceptible d’être utilisée comme un outil d’intimidation par les gouvernements qui ont des programmes de répression. C’est un outil qui trouve son utilisation la plus noble dans le service des objectifs des acteurs diligents et compétents de sorte qu’une structure de gouvernance qui est troublée par l’incompétence et d’autres tendances antidémocratiques ne déploiera pas efficacement des outils de surveillance à des fins progressistes. Ces gouvernements trouveront plutôt des outils technologiques utiles pour fermer l’espace civique et faire taire les voix de l’opposition. C’est pourquoi il est important que la technologie et l’écosystème civique insistent sur un cadre législatif approprié, la responsabilité judiciaire et la transparence obligatoire dans l’application de la technologie de surveillance.

COVID-19 : ce qui a bouleversé ma vie

Compilé par Rigobert Kenmogne

Au mois d’avril 2020, lorsque ma tante, Suzanne, s’est rendue au Centre de santé de Djoungolo, dans la ville de Yaoundé, elle ne savait pas qu’elle allait vivre des moments bouleversants de sa vie. Agée d’environ 50 ans, elle est conduite dans le centre de santé pour son test de COVID-19. Cela faisait déjà quatre jours que Suzanne hésitait à se rendre dans un centre de santé. Rassurée d’avoir fait le bon choix, sous les conseils de sa cousine, elle décide enfin de s’y rendre un matin. Une fois dans le centre de santé, elle est timide, car elle a déjà commencé a développé des crises après quelques jours de son début de toux, signes externes d’une potentielle contamination au COVID-19.

Une fois au centre de santé, les responsables du service vont prendre des dispositions pour faire des prélèvements nécessaires. Mais le service est lent, du fait de nombreux patients qui souhaitent connaître leur situation sanitaire. De plus, les kits de test ne sont pas en grand nombre; le service est saturé, mais il faut attendre ; la cousine réconforte Suzanne et elles patientent. Vers le milieu de la journée, Suzanne obtient ses résultats, comme l’indiquent les signes, son statut est positif. Elle est visiblement sous le choc et craint de perdre sa vie. Suzanne devient pâle, meurtrie et plonge quelques minutes dans le silence. Elle se demandait sûrement si elle pouvait vivre avec cette contamination qui fait si peur. Suzanne doit commencer la quarantaine immédiatement. « Madame, votre résultat est positif, vous devez entrer en quarantaine, tout ira mieux avec la prise en charge » indique un responsable du Centre. Elle retient son souffle et écoute les consignes des médecins. Pour éviter toute explosion de la maladie, la cousine de Suzanne doit également être testée. Cette dernière ne refuse pas. Heureusement, son statut est négatif, elle n’a pas contracté la maladie, mais les mesures barrières, une distanciation et une quarantaine sont nécessaires pour elle.

Une semaine après le début de la quarantaine de traitement de Suzanne , elle découvre que son statut du COVID-19 avec ses photos et celles d’autres personnes infectées dans le centre de santé sont publiés sur les réseaux sociaux, notamment les plateformes Facebook et WhatsApp. Elle a été profondément déçue, perturbée et a perdu beaucoup de poids en quelques jours. Cette situation a provoqué d’autres maladies en elle. Heureusement, elle a survécu à ces situations difficiles.

Selon un jeune influenceur ayant travaillé avec Plan International- Cameroun, « Suzanne est entrée dans une colère noire lorsqu’elle a vu ses informations en ligne, ce qui a d’ailleurs aggravé sa situation ». Suzanne a confié qu’elle a été remontée dans sa quarantaine grâce aux soutiens de plan International et du travail de jeunes influenceurs de l’organisation. Comme pour des cas similaires, dans le cadre de ses activités, Plan International, à sensibiliser les populations sur les dangers du COVID-19 en distribuant des kits de protection. Des conseils ont été donnés à Suzanne pour lui permettre d’équilibrer son état moral. Des campagnes sur la responsabilité éthique des médecins ont été également initiées directement dans les centres de santé ciblés ou sur les médias sociaux.

Depuis mars 2020, en début de crise, plus de 10 cas de violations de données personnelles ont été rapportés au Plan International à travers les activités des jeunes influenceurs. Plus de femmes que d’hommes ont formulé des plaintes sur la publication de leurs statuts de santé sur les médias sociaux.

Sur les perspectives de protection des données personnelles et de limiter les violations comme cela a été pour Suzanne et bien d’autres personnes, le jeune influenceur recommande qu’« il faut adopter une loi sur la protection des données personnelles, sensibiliser les internautes sur la notion des données personnelles, encourager les internautes à lire les politiques de confidentialité des entreprises des réseaux sociaux, et rédiger et mettre à la disposition du public une charte de protection des données personnelles pour une meilleure imprégnation ».

Plan International travaille sur 4 domaines à savoir la santé, l’éducation, la protection et la défense des droits des personnes vulnérables. Les actions de l’organisation dans la sensibilisation contre la propagation du COVID-19 et son impact sur les populations ont été significatives. Pour plus d’information sur Plan International, veillez visiter https://plan-international.org/cameroon

La menace pour la confidentialité des données au Kenya au moment de la COVID-19

Compilé par Ekai Nabenyo

Même si la pandémie de COVID-19 est mondiale, l’élaboration et la mise en œuvre du dépistage des contacts n’ont eu lieu qu’à l’échelle nationale. Au début de la pandémie de COVID-19, différentes méthodes ont été utilisées par le gouvernement kenyan pour contenir la propagation de la pandémie. Cela comprenait une ordonnance de quarantaine obligatoire pour toutes les personnes qui se rendaient au Kenya. Chali Baluu (changement de nom), un citoyen kenyan, a signalé des violations des droits de l’homme à la Commission des droits de l’homme du Kenya, se plaignant que ses appareils de communication, en particulier ses téléphones portables, étaient surveillés par les autorités gouvernementales. De nombreux incidents ont également été signalés sur les écoutes téléphoniques de l’État et sur les communications privées. De plus, en tant que patiente atteinte de la COVID-19, Chali Balu a indiqué à la Commission des droits de la personne du Kenya (KHRC) que, bien qu’ils aient été placés en quarantaine obligatoire à l’aéroport international Jomo Kenyatta de Nairobi, conformément à la directive du gouvernement, ils ont été placés sous surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Le défi que doit relever la KHRC pour surveiller la véracité ou non de ces violations comprend le fait qu’il n’est pas facile de prouver la surveillance des appareils de communication malgré la gravité des allégations. Des individus ont signalé à la KHRC des incidents dans lesquels ils ont été placés en quarantaine obligatoire pendant des périodes supérieures aux 14 jours indiqués. Cela signifiait plus de surveillance pour des périodes plus longues ou indéfinies. De plus, le fait que le personnel de KHRC travaillait virtuellement signifiait qu’ils recevaient et traitaient ces rapports de violations virtuellement. Cela a affecté la crédibilité qui est plus facile à prouver lors de la communication face à face. Cela signifie également que certains cas de ces victimes moins technophiles qui auraient autrement rendu visite aux bureaux de la Commission n’ont peut-être pas été signalés. Les journalistes qui tentaient de transmettre l’information sur les violations des droits de la personne dans le cadre de la COVID-19 au grand public ont souvent été arrêtés parce que des maisons de presse étaient surveillées et que des actes de vandalisme ont été signalés. Le Conseil des médias du Kenya a déposé une plainte contre cette violation qui violait essentiellement le droit d’accès à l’information garanti par la Constitution du Kenya, 2010. Le paragraphe 35(1) de la Constitution du Kenya stipule ce qui suit :

Tout citoyen a le droit d’accéder:
a) les renseignements détenus par l’État;
b) les renseignements détenus par une autre personne et nécessaires à l’exercice ou à la protection d’un droit ou d’une liberté fondamentale.
(2) Toute personne a droit à la correction ou à la suppression de renseignements faux ou trompeurs qui la concernent.
(3) L’Etat publiera et publiera toute information importante affectant la nation.

Les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme tels que la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique exigent que toute restriction à l’accès à l’information détenue par les autorités publiques soit autorisée par la loi, elle doit avoir un objectif légitime, être nécessaire, proportionné à l’objectif de sauvegarde de la santé publique, et doit également se limiter à l’existence de la crise. Cela signifie que toute limitation des droits de l’homme doit être justifiée. L’accessibilité de l’information est un élément clé du droit à la santé et des pays comme le Kenya sont invités à s’y conformer. Lorsque les fonctionnaires ne publient pas l’information sur la santé de façon proactive, les populations subissent des effets néfastes sur la santé et ne peuvent pas jouir pleinement de leur droit à la santé garanti. Le Kenya doit être ouvert et transparent, réceptif et responsable envers les citoyens dans la lutte contre la COVID-19.

La réduction du droit du public de connaître les activités de leurs gouvernements est contre-productive dans la lutte contre l’épidémie de COVID-19. Le droit à l’information est crucial pour assurer la sensibilisation et la confiance du public, lutter contre la désinformation, garantir la responsabilité ainsi que développer et surveiller la mise en œuvre des politiques publiques visant à résoudre la crise. Il est crucial que le droit à l’information soit maintenu autant que possible pendant l’urgence.

Protéger les données des Kenyans pendant une pandémie

Compilé par Ekai Nabenyo

Le dépistage des contacts, en tant que processus de gestion de la santé publique visant à identifier les personnes (y compris les travailleurs de la santé) qui ont été en contact avec des personnes infectées par la COVID-19 probable ou confirmée, a été appliqué au Kenya, comme dans d’autres pays. Le dépistage des contacts vise à repérer les cas secondaires potentiels qui peuvent découler d’un cas primaire lié à la COVID-19. Cette intervention a permis d’éviter une transmission ultérieure par les victimes. La mise en œuvre de la recherche des contacts au Kenya par le ministère de la Santé, en coordination avec les forces de l’ordre, n’a pas été sans controverse et a soulevé diverses préoccupations en matière de droits humains. Parmi les considérations importantes, mentionnons l’efficacité de la recherche des contacts et l’incidence concomitante sur la vie privée et les droits de la personne. Les lacunes de la recherche des contacts vont au-delà de la protection de la vie privée et pourraient porter atteinte à d’autres droits de la personne. Bien que les divers récits relatés par les répondants soient vrais, les noms qui ont été utilisés dans cette étude de cas ont été délibérément modifiés pour masquer l’identité véritable des répondants.

Un journaliste du Standard Media Group a reçu des informations de Wanjiru Kemboi dont les appels téléphoniques et autres communications auraient été interceptés par les agences de surveillance gouvernementales. Il était également évident que les personnes touchées ne comprenaient pas leurs droits numériques. Wanjiru, qui avait été soumise à la période de quarantaine obligatoire de 14 jours, a contacté la journaliste, car elle soupçonnait fortement que ses téléphones portables étaient sur écoute, bien qu’elle ne semblait pas s’en inquiéter. Wanjiru a eu une expérience dans laquelle un agent du Service National de Renseignement l’a contactée, en tant que patiente qui était censée être en auto-quarantaine, avertissant Wanjiru de ne pas aller sur le marché et de se mêler aux autres un jour où elle a effectivement tenté d’aller sur le marché. Wanjiru Kemboi s’est conformé à l’ordre et s’est replié vers la quarantaine. Cela témoigne clairement du fait que le patient était surveillé par le Service national du renseignement en liaison avec les organismes de surveillance de la santé. Cela signifie que le patient souffrant de la COVID-19 vivait constamment dans la peur pendant son isolement et qu’il n’avait aucune assurance quant à la protection de sa vie privée. On ne savait pas non plus dans quelle mesure le Service national du renseignement et le Service de surveillance de la santé avaient pénétré dans la surveillance.

Cela a clairement violé le droit à la vie privée de la personne, même dans le contexte de la pandémie de COVID-19, comme le garantit la Déclaration des droits de la Constitution du Kenya de 2010. Cette révélation soulève des questions quant à la façon dont les données du patient touché par la COVID-19 sont utilisées et à la durée pendant laquelle elles devraient être stockées dans les bases de données de la sécurité nationale. Le problème ici est la possibilité d’une surveillance par l’État, en particulier si l’utilisation et le stockage des données ne sont pas légalement protégés. Le droit à la vie privée des individus peut être affecté par la collecte et le traitement de données numériques. En élaborant des solutions pour faire face aux crises, les institutions étatiques et les régulateurs devraient tout mettre en œuvre pour équilibrer le droit à la vie privée et le droit à l’information en cas de conflit potentiel entre eux. De nombreux autres cas ont été signalés, en particulier après que le journaliste a rédigé un article pour signaler des cas d’écoute accrue des appels téléphoniques par les agences de l’État.

En conclusion, la recherche de contacts préjudiciables qui violent les droits de l’homme suscite des soupçons entre l’État et les citoyens. Pour redresser les torts qui ont caractérisé la recherche des contacts au Kenya, il est recommandé que les autorités de surveillance sanitaire et les agents du Service national de renseignement se conforment de toute urgence aux dispositions de la loi sur la protection des données, 2019, en ce qui concerne la protection des données privées des citoyens. L’État devrait prendre les mesures appropriées pour protéger les données et réglementer qui y a accès.

Le gouvernement du Kenya a introduit l’application mSafiri, un enfant-cerveau d’une collaboration entre le ministère de la Santé du Kenya et le ministère des Transports, pour contenir la propagation du virus. L’application a été conçue pour fournir des données essentielles qui permettraient de retracer les déplacements des cas de COVID-19 infectés ou soupçonnés. Cet outil de surveillance numérique de la santé nécessitait que le gouvernement fasse preuve de transparence quant à la façon dont les données recueillies ont été utilisées, mais l’absence de principes directeurs, en ce qui concerne la recherche des contacts, a soulevé des préoccupations. Certains patients s’inquiétaient du fait que le gouvernement du Kenya n’était pas en mesure de gérer ces technologies et, par conséquent, avait conclu des contrats avec des entreprises de technologie tierces. Par conséquent, cela a donné lieu à un abus des données de surveillance de la santé, car il n’existe aucune entente connue de partage de données avec de telles tierces parties. Cela est essentiel car on craint que l’utilisation des données au sein de l’administration kenyane puisse être principalement utilisée pour des raisons de sécurité ; il est nécessaire de se prémunir contre cela.

L’application TogoSafe gourmande en données et aux antipodes de la loi sur la protection des données

Compilé par Seyram Adiakpo

L’application TogoSafe a été conçue par le ministère des postes et de l’économie numérique dans un contexte de COVID-19 pour pister et suivre les voyageurs présents sur le territoire togolais. Elle est obligatoire pour tout voyageur qui arrive sur le territoire togolais. En dehors du téléchargement obligatoire de l’application, le voyageur est tenu de s’inscrire sur le site https://voyage.gouv.tg/. Seulement, en raison de plusieurs facteurs, l’application présente des enjeux relatifs aux droits et libertés numériques.

Sur la question des données, les conditions générales d’utilisation restent très silencieuses. Il est seulement dit que l’application est conçue pour « suivre les déplacements de l’utilisateur sans compromettre sa vie privée ». Cette affirmation brève est faite sans préciser la façon dont la vie privée de l’usager sera protégée et la façon dont les données des utilisateurs seront préservées de toute utilisation différente de celle citée précédemment. Par ailleurs, l’usager n’a aucune idée des données exactes collectées. Il reçoit seulement l’injonction de garder activés les services Bluetooth et GPS de son appareil. L’usager se retrouve contraint de consentir au partage de ses données sans savoir lesquelles sont partagées sinon, il est placé en quarantaine au sein des structures de suivi mises en place par l’Etat à sa charge. Sur le site https://voyage.gouv.tg/, on peut lire, « les personnes en auto-confinement doivent respecter les règles strictes y afférentes tout en maintenant activée l’application TOGO SAFE en attendant les résultats de leur test PCR COVID-19. Ils doivent se soumettre à des contrôles inopinés effectués par des agents de sécurité et/ou de santé sur leur lieu d’auto-confinement ».

Par ailleurs, l’application est disponible sur des plateformes de téléchargement comme Google Play, App Store et sur App Gallery. Le passage par les services de Google et Apple, représente une menace pour les utilisateurs de TogoSafe. Sur le site de TogoSafe, l’on peut lire que les données ne sont pas partagées avec les tierces-parties sans que soient définies les tierces parties. « L’État offre aujourd’hui de gré ou de force des données personnelles à ces entreprises », regrette Anoumou (nom changé), Togolais résident aux USA, en passage au Togo, contraint de télécharger l’appli avant son entrée au pays. Quatre (4) autres personnes contactées dans le cadre de l’étude et qui ont requis l’anonymat n’ayant pas d’autre choix que d’accepter ont dit n’avoir pas eu le choix. Les usagers ne sont pas informés sur la possibilité existante ou pas d’accéder aux données collectées, de s’y opposer, ni de les faire modifier/supprimer sauf s’ils se rendent sur le site internet de l’application, ce que tout le monde n’a pas le réflexe de faire. Les usagers qui téléchargent l’application n’ont pas assez d’informations dans les conditions générales d’utilisation.

Dans le contexte togolais, il existe des lois sur les données à caractère personnel. Il s’agit de la loi n° 2019-14 du 29 octobre 2019 relative à la protection des données à caractère personnel. Promulguée en 2019, cette loi pose les principes relatifs à la protection des données personnelles. Dans le cadre de cette loi, il est prévu la création d’une Instance de protection des données à caractère personnel (IPDCP). Il devra s’agir d’une autorité administrative indépendante (AAI) chargée de veiller à ce que les traitements des données à caractère personnel soient mis en œuvre conformément aux dispositions formulées dans la loi. En l’absence de l’instance de protection des données personnelles, il est impossible au voyageur d’avoir un interlocuteur crédible et donc de faire effacer ses données, ni les modifier ni évoquer ce qui n’ont pas respect sauf à s’adresser aux concepteurs de l’application eux-mêmes, ce qui n’est pas un gage de transparence.

Sur la question de transparence, la gestion de l’application n’est pas ouverte et des statistiques ouvertes peuvent permettre à la société civile et les acteurs universitaires d’évaluer l’application. L’approche basée sur les droits humains n’a pas été prise en compte dans la gestion de l’application du TogoSafe. En ce qui concerne les droits numériques, l’approche basée sur les droits humains concerne surtout le cadre juridique mis en place par l’Etat, mais aussi son attitude vis-à-vis des citoyens. L’approche basée sur les droits humains comprend les principes suivants : la participation, la responsabilité, la non-discrimination et l’égalité, l’autonomisation et la légalité.
En outre, l’application remet en cause le secret médical. Les données médicales des personnes dont le test au COVID-19 a été positif sont partagées avec l’entité qui gère l’application. Ces données sensibles sont mises à la disposition de l’entité. La finalité de l’application doit être bien délimitée.

L’Etat devrait faire en sorte que les utilisateurs soient davantage informés des risques de l’usage de l’application sans avoir à les chercher par eux-mêmes. Dans tous les cas, ils doivent être libres de ne pas utiliser une application telle que TogoSafe. Par ailleurs, l’application doit être mise en conformité avec la loi n° 2019-14 du 29 octobre 2019 relative à la protection des données à caractère personnel. Tous les choix techniques devraient être documentés, argumentés et assumés par les partis responsables. Le fonctionnement technique de l’application devrait être totalement transparent pour que les usagers se sentent responsables de leur choix d’utiliser ou non l’application. Enfin, le protocole de l’application et son implémentation devraient être documentés, publics et faire l’objet d’audits indépendants.

La menace imminente pour la confidentialité des données des Nigérians en cas de pandémie

Compilé par Khadijah El-Usman

Le Nigeria a enregistré son premier cas de COVID-19 en février 2020 et, comme beaucoup d’autres pays, a dû se démener pour réunir les ressources nécessaires pour faire face aux effets qui en découlent. Et qui dit temps sans précédent dit mesures sans précédent. Les gouvernements ont dû identifier rapidement les cas et assurer leur prise en charge, retrouver et mettre en quarantaine leurs contacts et surveiller les tendances de la maladie. Des pays comme la Belgique, la Malaisie et Singapour ont développé des applications web et utilisé des appareils mobiles pour suivre leurs citoyens.

Le Nigeria, quant à lui, a un passé controversé en matière de surveillance de la santé, avec peu ou pas de respect pour les droits à la vie privée. Cette situation est évidente depuis que le Forum des gouverneurs a tenté d’utiliser des sociétés de téléphonie mobile comme MTN pour suivre les mouvements, jusqu’à des applications comme Stay-SafeNG, développées pour la recherche des contacts pour le COVID-19.

Pour le Nigérian moyen touché par le COVID-19, les expériences de recherche des contacts et de surveillance de la santé ont été de faible ampleur mais ont permis de donner une image plus large du problème. Pour le Dr Ade (son nom a été modifié), après que lui et quelques-uns de ses collègues aient présenté des symptômes similaires à ceux du COVID-19 et aient finalement été testés positifs, l’hôpital a entrepris de rechercher les contacts pour lui et ses collègues. Il a décrit la procédure comme “la réalisation de diagrammes de Venn à partir de groupes de patients que nous avions tous vus” et a finalement découvert que tous les médecins en question avaient vu le même patient.

L’hôpital disposait de sa propre unité COVID-19, qui faisait rapport au Centre nigérian de contrôle des maladies (NCDC), lequel a effectué la recherche des contacts. Ade a fait remarquer : “ Mon hôpital a le privilège d’avoir toutes les informations sur les patients numérisées, il a donc été très facile d’obtenir les coordonnées des patients concernés “, ce qui signifie que différentes organisations et l’unité COVID-19 ont eu accès aux informations des patients sans leur consentement. Il a ajouté que, d’après ses connaissances en épidémiologie, “lorsqu’il s’agit d’une maladie hautement infectieuse, il est possible d’accéder aux informations sur les patients qui sont pertinentes pour cette question, c’est-à-dire l’adresse et le numéro de téléphone”.

Dans cette optique, on peut se demander pourquoi, dans l’État de Lagos, l’Institut nigérian de recherche médicale a élaboré un formulaire Google de sept pages à remplir par tous ceux qui devaient subir un test de dépistage du COVID-19 au plus fort de la pandémie. Le formulaire demandait divers détails, notamment l’adresse du bureau et le plus proche parent. Finalement, si la personne testée était positive, les contacts étaient retracés. Il y avait des centres COVID-19 dans chaque zone de gouvernement local avec des agents de santé équipés d’appareils mobiles prêts à aider ceux qui n’avaient pas accès aux outils numériques, bien que la plupart de ces agents n’aient pas été formés au principe de confidentialité.

Les données des personnes dont le test était négatif ou qui n’ont jamais été infectées, y compris celles de leurs proches, ont été téléchargées dans une base de données tierce, laissant sans réponse la question de savoir qui stocke ces données et combien de temps elles seront conservées, compte tenu de l’absence de lois sur la protection des données.

En revanche, Dayo, un autre répondant d’Abuja, a vécu une expérience différente lorsque le NCDC est venu le tester, lui et ses collègues. Il y avait eu une épidémie dans son bureau et tout le monde avait dû se faire tester. Dayo a noté que le processus n’était pas très numérisé ; “c’était un processus très manuel”. Les représentants du NCDC sont venus avec de nombreux formulaires qui posaient diverses questions et, pour M. Dayo, “beaucoup de questions ne semblaient pas nécessaires, mais ils sont venus avec un conseiller pour obtenir votre consentement. Même si j’ai eu l’impression que c’était une intrusion dans la vie privée, je pouvais en comprendre l’intérêt”.

Pour Dayo, il ne semblait pas que les informations recueillies allaient être saisies dans un système ou une base de données. Dayo a déclaré que si ces informations étaient effectivement saisies dans un système, il s’inquiéterait pour sa vie privée et les stigmates qui pourraient accompagner certaines informations. Dayo a ajouté que cette crainte a poussé nombre de ses collègues à saisir de fausses informations sur les formulaires du NCDC. En cas d’abus de privilège dans un avenir proche, l’absence de lois complètes sur la protection des données au Nigeria rend Dayo et d’autres personnes comme lui vulnérables.

Les données de santé publique sont généralement identifiables et sensibles, et révèlent souvent des détails sur le mode de vie, les comportements et la santé d’une personne. Le gouvernement, mais aussi des acteurs tiers, notamment des créateurs d’applications et des volontaires de la lutte contre la pandémie, ayant accès aux données des Nigérians, il est nécessaire de demander des comptes. Il est nécessaire d’aborder le droit à la vie privée, notamment en ce qui concerne les questions de santé publique, et d’utiliser une approche fondée sur les droits de l’homme pour créer des politiques capables de ne pas porter atteinte aux droits des personnes.

COVID-19 : Entre violations des données personnelles et désinformations

Compilé par Rigobert Kenmogne

En début d’année 2020, Bernard, âgé d’environ 60 ans, se rend en Europe comme d’habitude. Mais cette visite ne sera pas comme les autres. Son séjour en Europe au mois d’avril 2020 coïncide avec le début de la crise du Coronavirus et des vagues géantes de contaminations dans le monde. Originaire de la région de l’ouest du Cameroun, Bernard planifie son retour au Cameroun pour éviter le pire. Une fois au pays via l’Aéroport International de Douala, Bernard doit subir des tests comme l’indique le protocole sanitaire en temps de crise.

Plusieurs autres passagers comme Bernard attendent que leurs tests soient effectués. Il y a de quoi attendre, les services sanitaires sont saturés et s’adaptent encore, mais font de leur mieux. Bernard est une personnalité de la république. Il doit être traité différemment et avec précisions comme c’est le cas pour d’autres passagers du genre.

Après le prélèvement, Bernard est testé positif au COVID-19 et doit entrer directement en quarantaine. Durant cette quarantaine, il n’a pas survécu à la contamination. Malheureusement. Sa mort a mis ses amis et ses collègues sous le choc. Il était une figure emblématique de sa communauté. Hélas, malgré l’assistance méritée du personnel de santé, des amis et la famille, Bernard est mort du COVID-19. Pendant la quarantaine, plusieurs membres et amis de la famille ont été en contact avec lui. Ils n’avaient pas encore une réelle connaissance des dangers du Coronavirus.

Les funérailles de Bernard ont été organisées dans le strict respect des mesures barrières loin de son village natal. Quelques jours plus tard, après les obsèques de Bernard, les amis, les proches de la famille sont au courant d’une publication sur les réseaux sociaux avec les données personnelles de Bernard mort de suite du COVID-19. C’est d’abord le doute, car au sujet de la maladie, plusieurs personnes proches refusaient l’existence du Coronavirus. Mais l’annonce avec la photo de Bernard quelques jours après son enterrement doit créer une panique générale dans l’entourage. Beaucoup se disent déjà morts aussi, certains refusent de se tester, d’autres boivent des potions de tout genre avant de décider de se faire tester. La colère se lie aussi entre collègues à la suite des informations publiées sur le défunt.

D’autres cas de contaminations divulguées sur les médias sociaux ont aussi créé des chocs dans la communauté durant le travail réalisé par Merveilles du Monde à travers la Fondation Internationale pour le Développement, l’Education, l’Entrepreneuriat et la Protection de l’Environnement (FIDEPE) au Cameroun. Un membre de l’équipe déclare: « Le deuxième cas pour moi a été encore plus stigmatisant. Après le décès de Bernard, une fausse annonce a couru sur la contamination de son Secrétaire particulier. Cette situation a plongé toute la communauté dans l’émoi une seconde fois; avec la peur pour tout le monde d’approcher un membre des différentes familles… C’est plus tard que le Secrétaire particulier du défunt est arrivé au village quelques semaines d’après et en santé, très fâché, après avoir en avance publié un post sur Facebook pour exprimer son mécontentement à tous ceux qui ont diffusé cette fausse information sur le test positif au COVID-19 avec sa photo ».

Les messages généralisés de soutien ont permis au Secrétaire particulier du défunt Bernard d’organiser aux côtés de Merveilles du Monde des campagnes de sensibilisation. « Il a organisé une campagne de sensibilisation et de riposte anti COVID-19 dans sa communauté » indique un membre de Merveilles du Monde. Pour le troisième cas, le membre ajoute qu’« il s’agit d’un monsieur qui avait des problèmes de santé depuis longtemps avant la crise du COVID-19. Après sa mort, des images de ce dernier ont été diffusées sur les réseaux sociaux en annonçant une mort de suite du COVID-19 alors le test était négatif».

Dans chacun des cas, Merveilles du Monde a apporté une assistance psychologique et sociale par le réconfort moral dans le cadre de la campagne. Pour limiter de pareilles violations, dans des crises similaires, Merveilles du Monde recommande de « mettre en place des plateformes d’échanges et sensibilisation plus larges sur les risques de l’exposition des données personnelles en temps de crise ». De manière générale, des formations de sensibilisation sur les conséquences de ces violations durant la crise sont nécessaires. Pour plus d’informations sur Merveilles du Monde consultez www.merveillesdumonde.org

COVID-19 Cas n°15 : Un Zimbabwéen victime de la désinformation.

Compilé par Thobekile Matimbe et Everson Mushava

Une dame de Bulawayo qui a été testée positive au COVID-19 au début de l’enregistrement des cas au Zimbabwe a fait l’objet d’attaques brutales en ligne. Cette attaque a fait suite à la publication par le gouvernement, dans le journal Chronicle, d’un communiqué indiquant que la patiente – le cas n° 15 – violait la réglementation relative au COVID-19 en s’échappant de la quarantaine et en présentant un risque sanitaire pour la communauté. Malheureusement, à cause de cela, le cas n° 15 a appris la nouvelle de son statut par les médias sociaux, ce qui a fait d’elle une victime. Le système de divulgation des informations était défectueux et ne tenait pas compte de la protection des informations personnelles des patients. Afin de préserver l’identité du cas n° 15, cette étude de cas la désigne sous le nom de X.

Le 16 avril 2020, le journal Chronicle a publié un article sur X, dans lequel il s’inquiétait du fait qu’elle était le cas n° 15 et qu’elle se promenait dans la ville de Bulawayo, propageant le COVID-19 au mépris flagrant de l’isolement requis pour les patients positifs. Le titre de l’article était intitulé : “ Méfiez-vous de cette patiente ! Une femme positive au COVID-19 se promène dans la ville”. L’article présentait une exposition de X révélant que le cas n° 15 était un agent de santé ayant enfreint les directives relatives au COVID-19 après un résultat positif. Il la dépeignait comme une personne imprudente.

Les informations recueillies ont révélé que X a été dépistée pour le COVID-19 le 12 avril 2020, à l’aide d’un thermomètre et qu’il s’est avéré qu’elle avait une température élevée. Elle a ensuite été testée pour le COVID-19 par une équipe de réponse rapide qui lui a conseillé d’attendre 48 heures pour avoir accès à ses résultats. Dans la nuit du 14 avril 2020, X a reçu des messages sur son téléphone portable de la part de collègues qui voulaient savoir si elle allait bien. Elle a découvert un rapport de mise à jour du COVID-19 publié par le gouvernement qui la décrivait comme le cas n° 15 parmi les nouveaux messages sur son téléphone.

“J’ai consulté ma boîte de réception et je suis tombé sur la mise à jour quotidienne du ministère de la Santé et de la Protection de l’enfance. J’ai immédiatement compris que le cas n° 15 me concernait, tout comme un certain nombre de mes collègues. J’ai décidé d’attendre la communication officielle de l’équipe de réponse rapide qui n’est arrivée à mon domicile que le mardi 15, à 14h30.”
C’était sa première rencontre avec ses résultats. Le gouvernement, par l’intermédiaire de la Rapid Response Task Force, a omis de lui révéler les résultats de X avant de les rendre publics. Ses collègues ont également pu déduire de la description du rapport que X était positive au COVID-19. X a été consternée de devoir apprendre son statut de COVID-19 par les médias sociaux. Comme si cela ne suffisait pas, X a été encore plus choqué lorsque le Chronicle a publié l’article le 16 avril 2020.

“Imaginez mon choc lorsque, aux petites heures du matin du jeudi 16 avril 2020, j’ai reçu un lien vers la publication du Chronicle accusant le cas numéro 15 de mettre imprudemment en danger la vie des résidents en défiant l’auto-isolement. Les médias sociaux ont depuis été inondés de cette nouvelle, ce qui m’amène à me demander s’il existe un autre cas numéro 15 ou s’il s’agit simplement d’un cas de journalisme non éthique”, a déclaré X.

L’article du Chronicle n’est plus accessible au moment de la rédaction de cette histoire. Par le biais de cet article, le gouvernement a colporté de fausses nouvelles sur X. Ces fausses nouvelles se sont retrouvées sur diverses plateformes en ligne telles que WhatsApp et Facebook. Le gouvernement a par la suite clarifié que X n’était pas coupable des allégations portées contre elle par le biais d’un article paru dans le Chronicle le 18 avril 2020, intitulé “La patiente défaillante de COVID-19 est emmenée à Thorngrove.” Cette nouvelle version dans le Chronicle révélait qu’il y avait eu une confusion car le cas n° 15 n’était pas la personne qui avait enfreint les procédures d’isolement de COVID-19, comme l’avaient révélé les responsables de la santé.

Le gouvernement doit veiller à ce que des garanties soient mises en place pour assurer une protection adéquate de la vie privée et des données personnelles.

Protéger la vie privée des patients zimbabwéens atteints de COVID-19

Compilé par Thobekile Matimbe et Everson Mushava

Le Zimbabwe a enregistré son premier cas de COVID-19 le 21 mars 2020, dans un contexte de manque de préparation du système de santé. Peu à peu, le nombre de cas de COVID-19 enregistrés a commencé à augmenter. Parmi ces cas, la malchance a frappé Saul Sakudya, un homme d’affaires de Harare.

Sakudya est le troisième cas de COVID-19 enregistré depuis le début de l’épidémie en mars 2020 au Zimbabwe.

Selon Sakudya, il a présenté les symptômes révélateurs de la toux et des vertiges à son retour d’un voyage à Dubaï le 19 mars 2020. Il a consulté des médecins mais sa situation ne s’est pas améliorée. Sakudya a décidé de se rendre à l’hôpital Wilkins Infectious Hospital (Wilkins) qui était le seul hôpital désigné pour traiter les cas de COVID-19 à l’époque. Son fils de 21 ans l’a conduit à Wilkins et Sakudya a été testé pour le COVID-19 mais n’a pas eu accès immédiatement à ses résultats.

“On m’a dit que mes résultats seraient connus dans cinq heures et que s’ils ne l’étaient pas, cela signifierait que mon test était négatif”, a déclaré Sakudya.

Il est rentré chez lui pour attendre ses résultats, anxieusement. Ce n’est que le troisième jour que Sakudya a reçu un appel lui annonçant que son test était positif. Selon Everson Mashava, un journaliste qui a mené l’interview de Sakudya, la secrétaire permanente du ministère de la Santé, Mme Agnes Mahomva, a confirmé au journal The Standard à l’époque que les résultats du test COVID-19 étaient effectivement censés être livrés dans les cinq ou sept heures.

Le retard dans l’obtention des résultats a causé beaucoup d’anxiété. Les fonctionnaires du ministère de la santé ont alors prélevé des échantillons pour tester la femme et le fils de Sakudya, qui s’occupaient de lui, ainsi que sa fille de 10 ans. Cette mesure s’inscrivait dans le cadre de la recherche des contacts effectuée par le groupe de travail chargé de la lutte contre le COVID-19.
Entre-temps, Sakudya a été placé en quarantaine au Beatrice Infectious Diseases Hospital de Harare. Il a souffert de stigmatisation à l’hôpital, car le COVID-19 était un phénomène nouveau et terrifiant pour le personnel médical de l’hôpital. Le personnel médical de l’époque n’avait pas d’équipement de protection individuelle adéquat et craignait donc pour sa vie. Dans ce chaos, Sakudya a choisi de rentrer chez lui pour être mis en quarantaine dans un environnement plus propice à son rétablissement.

Ce qui est encore plus déconcertant, c’est qu’avant que sa famille ne reçoive les résultats des tests, les utilisateurs des médias sociaux avaient reçu des informations selon lesquelles deux des membres de sa famille avaient été testés positifs au COVID-19. Apparemment, le gouvernement a publié les nouveaux cas avant de révéler les résultats aux patients, en violation de leur droit d’accès à l’information.

“C’est triste que les résultats soient arrivés après que les annonces aient été faites et qu’ils circulent déjà sur les médias sociaux. Ce n’est pas bon”, a exprimé Sakudya dans un état de consternation. “Nous avons reçu plusieurs appels de parents, d’amis et de voisins qui nous ont dit que les médias sociaux étaient inondés d’informations selon lesquelles trois membres de la famille avaient été testés positifs au virus. Et ce, avant que les fonctionnaires du ministère de la Santé ne viennent nous communiquer les résultats. C’était très traumatisant pour ma femme et mon fils d’apprendre leur état de santé sur les médias sociaux.” Fidèles aux résultats qui circulent en ligne, la femme et le fils de Sakudya ont été testés positifs, tandis que leur fille de 10 ans a été testée négative.

La femme de Sakudya a mentionné qu’elle avait été victime d’intimidation sur les médias sociaux. “Ce fut une expérience douloureuse. D’abord, on m’a décrite comme une petite maison, une briseuse de ménage, et ensuite, mes résultats COVID-19 sont devenus viraux sans que je les connaisse”, a-t-elle déclaré.

Le fils de Sakudya, âgé de 21 ans, a également exprimé son inquiétude face au “mépris apparent de la confidentialité de l’état de santé de la famille”. Il a mentionné que sa famille a souffert de stigmatisation en raison des résultats positifs.

La famille Sakudya a été traumatisée à la fois par la divulgation tardive des résultats du COVID-19 et par le manque de prudence lors de la publication des résultats en mars 2020. Il est clair qu’aucune mesure efficace de protection des données n’a été mise en place pour garantir un niveau de précaution dans l’information des patients sur leurs résultats. De telles mesures prévoiraient, par exemple, la publication de mises à jour des nouveaux cas de COVID-19 après que les personnes concernées ont été informées de leurs résultats. En outre, il est nécessaire de mettre en place des mesures de protection de la vie privée des patients dont le test de dépistage du COVID-19 est positif.

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